Paroles d'arbre
[…] Quand on a connu de ces
effervescences, le silence des oiseaux, l’hiver, a quelque chose d’effrayant.
Le vide s’accroche, l’angoisse nous colle aux branches. On dirait de ces mères
de famille nombreuse dont la marmaille s’est égaillée jusqu’au dernier et qui,
le cœur serré, n’en finissent pas contre toute raison de faire et refaire le
tour intérieur de la maison, d’ouvrir et de rouvrir chambres, armoires,
commodes, placard à chaussures vides, tous vides, épouvantablement vides.
Reviendra-t-il jamais des petits enfants ? Reviendra-t-il jamais l’oiseau
prodigue ?
Ah ! le chagrin de
l’arbre ! Il s’en faudra de peu que
je ne sombre dans une dépression. Je resterai tout l’hiver, très agité, hurlant
son nom, secouant mes branches comme des mèches folles, jusqu’à ce qu’un matin,
un beau matin, le chant du coucou me délivre.
Michel Luneau, Paroles d’arbre